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Nadia Duguay
CanadaAshoka Fellow depuis 2011

Nadia Duguay donne aux détenus les outils de réflexion pour être des participants actifs de la société, contribuer à la prise de décision et améliorer leur vie et leur communauté. À travers ses cours dispensés dans les prisons, Nadia utilise un langage simple pour enseigner la philosophie appliquée de manière accessible. En conséquence, les prisonniers se rendent compte qu'ils peuvent avoir un impact positif sur leur vie et leur communauté en changeant leurs perceptions et en prenant des mesures pour participer à la société. De plus, Nadia adopte une approche préventive pour s'adresser à d'autres communautés confrontées à des défis, tels que les sans-abri et les jeunes à risque de toxicomanie ou de comportement violent.

#Problèmes sociaux#Problèmes sociaux aux États-Unis#Prison#Sociologie

La personne

Nadia est la fille de deux pêcheurs et a grandi dans une petite ville de 150 habitants en Gaspésie, au Québec. En grandissant, elle a souvent entendu dire que les conditions sociales ne pouvaient pas être changées et qu'elle ne pouvait rien y faire. Mais Nadia a toujours eu envie de faire une différence et ses parents l'ont amenée à le faire. Nadia a vite compris que seule la compréhension de la société dans son ensemble pouvait conduire les citoyens à influencer qui ils sont et qui ils veulent être. Bien qu'elle pense maintenant qu'elle était un peu naïve à l'époque, elle était animée par le désir d'aider les autres à comprendre cela. Nadia a développé une passion pour les livres et sa bibliothèque personnelle est passée d'un dictionnaire datant de 1989 et d'un Bescherelle à divers traités de philosophie, d'art, de sociologie et de psychologie. Ces mots et ces théories sont devenus ses armes personnelles. Elle s'est rendu compte que peu importe son parcours personnel et ses antécédents, elle avait le contrôle pour changer sa vie. Il était temps de redonner à ceux qui, comme elle, pouvaient profiter de ces nouveaux outils pour se sentir vivants et, à leur tour, participer au développement d'une société plus juste. En 2006, Nadia a commencé à enseigner son programme dans les prisons, et un an et demi plus tard, elle et son conjoint, François-Xavier, ont cofondé Exeko.

La nouvelle idée

Nadia donne aux populations les plus défavorisées la possibilité de développer la confiance nécessaire pour dépasser leur situation actuelle. Grâce à son programme, Nadia enseigne la pensée réflexive aux détenus, aux jeunes à risque et aux toxicomanes. Elle donne également des cours aux peuples autochtones qui vivent dans des réserves, dont beaucoup sont touchés par la violence, la toxicomanie et le manque d'opportunités. Son principal public cible étant les prisonniers, la méthodologie de Nadia les incite à se concentrer sur la compréhension du monde et des autres, en utilisant une approche empathique plutôt qu'égocentrique. À travers un cadre accessible et participatif, Nadia accompagne les personnes ayant des défis de vie à mieux se réinsérer dans la société. Ils apprennent à utiliser l'autoréflexion pour améliorer leurs vies, leurs communautés et soutenir leur inclusion et leur implication civique. Les cours de Nadia sont fortement centrés sur les questions sociales, la solidarité humaine et la manière dont les détenus peuvent agir pour avoir un impact positif sur les autres. Contrairement à d'autres cours qui se concentrent sur la «résolution» des problèmes, l'approche de Nadia est préventive. Par exemple, au lieu de ne parler que de violence avec les détenus, elle les encourage à mieux comprendre les mécanismes de leur comportement, dont la violence, tout en les accompagnant à comprendre les différents enjeux qui les touchent eux et leur environnement. A travers ces cours de pensée critique, elle introduit des sujets et des thèmes traditionnellement inaccessibles aux non-diplômés et le sentiment d'échec ou de revendication d'ignorance des détenus. Cela déplace leur attention des problèmes intérieurs vers le monde extérieur. Nadia intègre également des outils de gestion de projet et d'engagement social dans ses cours afin que les détenus puissent passer de la réflexion à l'action. Nadia réplique sa méthodologie avec d'autres populations défavorisées. Pour s'assurer que son cours est accessible aux personnes semi-alphabètes, elle utilise principalement des supports oraux et visuels pour animer son cours.

Le problème

En 2009, il y avait 177 prisons provinciales et 57 prisons fédérales au Canada, avec 37 000 adultes incarcérés. La plupart des adultes détenus étaient jeunes et avaient un faible niveau d'instruction. Les gens finissent souvent en prison en raison de leur incapacité à maîtriser les outils qui les aideront à comprendre la société, ses règles et ses lois. Il existe cependant d'autres populations, telles que les sans-abri, qui ont du mal à comprendre ou à accepter les systèmes traditionnels. Dans la ville de Montréal, plus de 30 000 personnes sont considérées comme sans-abri; parmi eux, de nombreux jeunes à risque et aux prises avec des dépendances. Ces populations marginalisées ont éprouvé de réelles difficultés à s'intégrer dans la société, à peser sur son évolution et à devenir des citoyens à part entière. Ils perçoivent une distance insurmontable entre eux, les différents systèmes (par exemple, les médias, l'éducation et la politique) qui fonctionnent autour d'eux et la société dans son ensemble. Faute d'outils pour comprendre la société, les populations défavorisées (par exemple, les jeunes à risque, les prisonniers et les toxicomanes) ne peuvent généralement pas jouir d'une citoyenneté à part entière : elles sont exclues des processus de prise de décision et restent donc centrées sur leur propre situation. Les préalables à la participation citoyenne sont la compréhension des enjeux sociaux et la prise de conscience de la capacité d’action individuelle et collective de chacun. Bien que l'information et les connaissances soient devenues facilement accessibles via Internet et d'autres médias, il n'est pas toujours évident pour les populations marginalisées où chercher des informations qui leur « parleront » d'une manière à la fois accessible et pertinente. De plus, l'accès des détenus à l'information est généralement limité et contrôlé, et les jeunes à risque sont souvent tellement déconnectés de la société qu'ils ne recherchent pas ces informations. Certains peuvent répondre par la passivité, l'impuissance, la désorientation ou même la victimisation. Dans tous les cas, la société évolue sans tenir compte de la voix des marginalisés. La perception de la distance entre les systèmes et les citoyens crée une distance réelle. Les conséquences deviennent rapidement des causes et les prisonniers sont pris dans un cercle vicieux. La marginalisation engendre l'insécurité sociale et économique, et vice-versa.

La stratégie

Dès sa plus tendre enfance, Nadia a voulu aider les gens. En 1999, la vie de Nadia a été interrompue par une perte personnelle. C'est en lisant la philosophie que Nadia a acquis la compréhension, le courage et la résilience dont elle avait besoin pour reconstruire sa vie. Elle a vu qu'il était possible de changer sa vie en changeant sa façon de penser à elle-même et à sa vie - elle en était un exemple vivant. Grâce à cette expérience, Nadia a décidé de consacrer sa vie à donner le même espoir à d'autres personnes défavorisées. Nadia a découvert que certaines des populations les plus nécessiteuses et les plus négligées sont des prisonniers. En 2006, elle a commencé ses premiers cours pilotes, qui étaient basés sur la conviction qu'une meilleure connaissance du monde et de ses mécanismes peut transformer les prisonniers d'être égocentriques (par exemple, penser à leurs propres douleurs ou garder rancune contre le monde) à se concentrer sur d'autres les gens et le monde. Le projet pilote de Nadia comprenait des cours qui incitaient les détenus à mieux comprendre leur environnement et encourageaient leur prise de conscience à devenir des agents de changement. En termes de contenu, les cours mêlent l'étude des personnes en société et de leurs environnements à travers la philosophie, la sociologie et l'étude d'outils réflexifs pour les aider à faire leurs propres choix, avec un fort accent sur les principes de solidarité. Par exemple, non seulement Nadia enseigne les différentes étapes d'une approche réflexive - qui implique un processus d'action-réflexion-action - mais elle sensibilise également aux problèmes et solutions de société locaux et internationaux à travers des exemples de citoyens pauvres et peu alphabétisés qui ont a mené des projets innovants pour résoudre des problèmes sociaux dans le monde entier. Ainsi, les détenus sont invités à s'ouvrir et à détourner leur attention de leur situation actuelle vers le monde en général. Les objectifs des cours comprennent la réinsertion sociale, l'augmentation de l'estime de soi grâce à une meilleure conscience de soi et au développement des compétences, la curiosité accrue et la réduction du sentiment négatif d'échec. Dans un premier temps, les détenus choisissent de participer à des cours de 3 mois à 3 ans sur une base volontaire. Nadia a été autorisée à errer dans les prisons et à promouvoir ses cours directement auprès des prisonniers. Elle utilise également un langage accessible aux semi-analphabètes. L'ensemble du cours est enseigné oralement et par le biais de dessins. Pour animer les cours, Nadia utilise des méthodes d'éducation populaire et de pédagogie ouverte, qui mettent tout le monde au même niveau et leur permettent de reconnaître qu'il existe de nombreuses vérités. Elle est guidée par le principe que chacun possède déjà les outils pour changer la société et elle et son équipe travaillent à les révéler. Nadia agit comme médiatrice, par opposition à enseignante, ce qui contribue également à l'efficacité du cours et à la motivation des participants. Les prisonniers et les gardiens (lorsqu'ils participent en classe) travaillent en partenaires ou en équipes. Les participants peuvent également travailler sur des projets solidaires pour appliquer les enseignements réflexifs et acquérir des compétences pour les aider à réaliser leur potentiel. Par exemple, lors d'un cours dans une prison de Québec, des détenus ont commencé à se plaindre de leurs conditions de vie et de la vétusté du mobilier. Nadia les a encouragés à abandonner leur attitude de victime et à agir pour améliorer leurs conditions. Grâce à la conception du cours de Nadia, les prisonniers ont décidé d'écrire une lettre au directeur de la prison, de préparer un plan d'action et de gérer eux-mêmes un projet d'amélioration du mobilier. L'organisation de Nadia, Exeko, collabore également avec un magazine axé sur les questions sociales, qui publie des articles écrits par des détenus sur leur engagement social. Pendant les cours, Nadia dirige également les détenus vers des ressources extérieures à la prison (par exemple, dont ils ne sont souvent pas au courant) telles que des centres communautaires et des bibliothèques et des conférences ouvertes dans des musées. Nadia leur ouvre l'esprit à la culture et développe leur curiosité, qu'ils peuvent exercer en prison et une fois libérés. Nadia et son équipe offrent le programme complet dans les prisons transitionnelles pour hommes, qui ont les populations les plus élevées. Deux grandes possibilités s'offrent aux détenus dans les prisons de transition : soit ils bénéficient d'une libération conditionnelle, soit ils sont transférés dans des prisons fédérales. Elle a travaillé avec plus de 600 détenus au Québec en cinq ans. À l'heure actuelle, pour des raisons de sécurité, il est difficile pour Nadia d'être en contact avec les détenus après la fin du cours, car elle n'est pas autorisée à faire un suivi. Les prisonniers ne sont pas non plus autorisés à la contacter, mais certains essaient encore, une fois libérés ou transférés dans une autre prison. Puisqu'il est illégal pour Nadia de les contacter, elle a développé une stratégie pour contourner l'interdiction. Nadia et Exeko ont établi un partenariat avec des organismes qui dispensent plusieurs des formations obligatoires dont les détenus ont besoin pour être libérés sous condition et qui sont membres officiels de l'ASRSQ. (Au Québec, un détenu peut demander une libération conditionnelle sous conditions. L'une de ces conditions est qu'il suive des cours parmi une liste de cours potentiels. Le cours de pensée critique de Nadia est inclus dans cette liste à l'échelle de la province.) De cette façon, les détenus qui demandent libérés conditionnels peuvent continuer à suivre les cours tant qu'ils sont en liberté conditionnelle et aussi lorsqu'ils sont libérés. Nadia travaille à la promotion du cours auprès des prisons fédérales et des agents de libération conditionnelle pour expliquer les avantages de choisir le cours. L'un des avantages pour les détenus en liberté conditionnelle est qu'ils peuvent recevoir des crédits pour poursuivre leurs études secondaires. Quatre-vingt pour cent des prisonniers qui ont suivi les cours de pensée critique de Nadia en prison ont reçu des crédits d'études secondaires. En 2010, témoin du succès du projet pilote, Nadia a planifié l'extension de son programme à d'autres groupes cibles, tels que les jeunes à risque, les sans-abri et les squatters. Pour rejoindre ces groupes, elle a établi des partenariats avec des organismes qui travaillent déjà avec eux, comme des bibliothèques et des centres d'aide. Nadia est en train de construire un programme pour atteindre ses groupes cibles à partir de ces agences. Elle contacte les agences de services sociaux via des conférences nationales et provinciales et intensifie les efforts de communication soit à distance, par le biais du marketing ou par le biais d'organisations communautaires locales. Nadia recrute et forme également des médiateurs dans les zones géographiques ciblées. Elle a commencé à travailler sur un guide de stratégie d'éducation pour former des médiateurs et prévoit de l'étendre à d'autres prisons. Nadia a également commencé à s'étendre à d'autres populations, telles que les communautés des Premières Nations, métisses et inuites. Nadia a débuté un nouveau partenariat avec l'Association des bibliothèques de Montréal pour donner des cours de pensée critique aux jeunes à risque de comportements violents et de dépendances qui vivent dans les communautés à proximité des bibliothèques. Nadia cherche du soutien pour mesurer l'efficacité de ce nouvel aspect de son travail.

Nadia Duguay Nadia Duguay